Un regard révolutionnaire : l’IA comme outil de détection de la maladie de Lynch
Chercheur en informatique spécialisée en médecine au LIMICS, Xavier Tannier fait des recherches dans les domaines des applications médicales à l’Université de Sorbonne Université. Pendant 10 années, il a été maître
de conférences à l'Université Paris-Saclay.
Le projet « Lynch » concerne la détection de cryptes MMR déficientes, qui sont une anomalie morphologique visible grâce à une technique d’immunohistochimie réalisée sur des prélèvements chirurgicaux. Ces cryptes MMR déficientes ne s’observent qu’en cas de syndrome de Lynch, appelé aussi syndrome HNPCC (Hereditary Non-Polyposis Colorectal Cancer ou Cancer colorectal héréditaire sans polypose), syndrome génétique fréquent responsable de 3% de l’ensemble des cancers colorectaux.
Les malades atteints d’un syndrome de lynch sont également à risque de développer d’autres cancers, notamment de l’endomètre, de l’estomac, ou encore des voies excrétrices. Ces malades doivent donc avoir une consultation en oncogénétique, ainsi qu’un suivi régulier, afin de dépister la survenue de cancers. L’anomalie moléculaire sous-jacente est une déficience du système MisMatch repair, qui est un des systèmes impliqués dans la réparation des erreurs survenant lors de la réplication de l’ADN.
Ce projet a été initié par Magali SVRCEK, professeure en anatomie pathologique à l’hôpital Saint-Antoine. Le diagnostic de syndrome de Lynch peut être difficile à faire. La recherche de cryptes MMR-déficientes est une des techniques permettant d’en faire le diagnostic. Mais ces cryptes sont rares et leur recherche nécessite la réalisation d’au moins 10 lames d’immunohistochimie pour avoir un diagnostic dit fiable avec + de 95% d’exactitude. Un oeil humain prend environ 30 min pour lire ces lames. C’est pour cette raison que nous avons pensé a automatisé cette tâche, afin de décharger au maximum les médecins.
Pour mettre en place notre outil, notre objectif principal a été de réaliser un outil utilisant l’apprentissage statistique pour la détection de cryptes déficientes. Nous avons travaillé par étape afin de mettre en place cet outil.
Dans un premier temps, nous avons fait manuellement le repérage des positions des cryptes, dans le but d’entraîner un modèle de détection nommé Yolo. Le but est de fournir le maximum d’informations à l’outil afin qu’il puisse s’entrainer.
Dans un second temps, nous avons entraîné l’outil à détecter les bordures des cryptes, afin d’en trouver la couleur moyenne, ce qui est une information importante pour distinguer les cryptes saines des cryptes déficientes.
Dans un troisième temps, nous avons cherché des cryptes qui ont un fort contraste par rapport à ce qui permet d’obtenir des regroupements (cellules homogènes entre elles mais différentes des autres), ce qui conduit à la classification finale.
Par la suite, nous avons évalué et comparé nos résultats pour valider ces étapes en les confrontant à des images nouvelles.
Pour finir, suite aux comparaisons, nous avons mis en place une étape qui permet à l’outil de proposer des images présélectionnées et pertinentes.
Il est important de prendre en compte que l’outil ne remplace pas l’Homme, il apporte une aide pour obtenir un gain de temps. Ce n’est en aucun cas l’outil qui donnera le diagnostic final par rapport à la santé des patients.
Pour une raison de respects des données personnelles, nous avons automatisé la suppression des images du patients.
La plus-value de cet outil est le gain de temps en termes d’analyse de plusieurs lames d’un coup ce qui permet aux professionnels de faire une autre tâche comme recevoir un patient, pendant la détection automatisée des cryptes. Le temps d’analyse avec l’outil est de 10 min ce qui réduit de 20 min face à l’oeil humain. Il y a également le fait que l’outil est facile d’utilisation. Il suffit juste d’avoir accès à l’adresse du système. L’outil nécessite tout de même l’installation d’un ordinateur avec carte graphique (GPU) au sein de l’hôpital.
Ma collaboration avec SUMMIT est encore d’actualité car nous sommes au stade du déploiement de l’outil au sein de l’AP HP. Cela fait un an que le projet a commencé, Karim est très efficace et répond à toutes mes demandes. Tout se passe dans les meilleures des conditions par rapport aux différentes spécifications demandées. SUMMIT est une organisation flexible et interne à Sorbonne ce qui est un avantage pour nous en tant que chercheurs au sein de Sorbonne. Cela nous permet de travailler en toute sérénité sur beaucoup d’aspects.
*Lynch : définition de l’institut national du cancer
*GPU : GPU est l’acronyme de Graphics Processing Unit (unité de traitement graphique en
français). Communément appelée processeur graphique, c’est une puce informatique qui permet
d’optimiser l’affichage et le rendu des images 2D et 3D ainsi que des vidéos.